Face à une inflation élevée et un pouvoir d’achat en baisse pour les fonctionnaires, le gouvernement a confirmé la suppression de la Garantie individuelle de pouvoir d’achat (Gipa) dès 2024. Ce dispositif, qui compensait depuis 2008 les pertes salariales liées à l'inflation, ne sera pas reconduit, suscitant une vive réaction des syndicats et des questions sur l’avenir des agents publics.
Depuis sa création en 2008, la Gipa servait de bouclier partiel pour le pouvoir d’achat des fonctionnaires. Calculée chaque année sur une période de quatre ans, cette prime visait à couvrir l’écart entre l’inflation et la hausse limitée des salaires dans le secteur public. Pour de nombreux agents, elle représentait une compensation essentielle face à l’augmentation des prix.
Pour le ministre de la Fonction publique, Guillaume Kasbarian, la Gipa présente cependant plusieurs défauts. Elle favorise largement les fonctionnaires de catégorie A (hauts salaires) au détriment des catégories B et C, aux revenus plus modestes. Selon les données gouvernementales, 56% des bénéficiaires sont issus de la catégorie A, une inégalité qui, d’après le ministre, rendait le dispositif obsolète et inefficace.
Enfin, la baisse de l'inflation et le caractère temporaire initial de la Gipa ont renforcé la décision de la supprimer. "Il n’a jamais été question de la pérenniser ad vitam æternam", a précisé le ministre.
La suppression de la Gipa touche particulièrement les agents publics de catégorie C, soit les fonctionnaires aux revenus les plus bas. Ces agents, confrontés à une inflation qui rogne leur budget quotidien, percevaient une part restreinte de la prime malgré des besoins financiers importants.
Les syndicats, dont l’Unsa, déplorent cette décision, affirmant qu’elle va aggraver les difficultés financières de milliers de fonctionnaires aux salaires modestes. Ils réclament une compensation sous forme d’une revalorisation de la valeur du point d’indice, qui sert de base pour le calcul des traitements dans la fonction publique et n’a pas été ajusté de façon significative ces dernières années.
Luc Farré, secrétaire général de l'Unsa Fonction publique, souligne une contradiction dans la politique actuelle : "On nous parle de soutien aux agents, mais on supprime des dispositifs vitaux pour leur pouvoir d’achat."
Pour mieux comprendre l’impact de la suppression de la Gipa, voici un tableau récapitulatif des principales données concernant l’inflation, la distribution des bénéficiaires par catégorie et le montant moyen de la prime ces dernières années :
Année | Inflation annuelle (%) | Augmentation du point d'indice (%) | Montant moyen de la Gipa (€) | Part des bénéficiaires - Catégorie A (%) | Part des bénéficiaires - Catégorie B (%) | Part des bénéficiaires - Catégorie C (%) |
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2018 | 1,8 | 0,0 | 200 | 55 | 30 | 15 |
2019 | 1,1 | 0,0 | 180 | 54 | 31 | 15 |
2020 | 0,5 | 0,0 | 150 | 57 | 28 | 15 |
2021 | 1,6 | 0,0 | 210 | 56 | 29 | 15 |
2022 | 5,2 | 3,5 | 250 | 58 | 27 | 15 |
2023 | 4,1 | 3,5 | 230 | 56 | 28 | 16 |
Ce tableau met en lumière l’inégalité persistante dans la répartition de la Gipa, dont la majorité des montants allait aux agents de catégorie A. Cela renforce l’argument du gouvernement pour qui le dispositif ne remplissait plus sa mission d’équité salariale.
La fin de la Gipa arrive dans un contexte de restrictions budgétaires où le gouvernement a opté pour une rigueur dans la gestion des finances publiques. Outre la suppression de la Gipa, le budget 2025 ne prévoit aucune hausse de la valeur du point d’indice pour les fonctionnaires, qui reste gelé pour la majorité des agents.
Les syndicats insistent sur la nécessité d’une revalorisation globale des salaires dans le secteur public, pour faire face aux hausses de prix et maintenir un niveau de vie décent pour les agents. Selon eux, la suppression de la Gipa sans mesures compensatoires aggrave la situation des agents les plus vulnérables et risque de démotiver une partie de l’effectif public.
Les prochaines discussions entre syndicats et gouvernement seront cruciales pour déterminer si des alternatives à la Gipa peuvent être mises en place, notamment via une modernisation des grilles salariales.
La fin de la Gipa, combinée à l'absence de revalorisation de la grille salariale, pourrait peser sur la qualité de vie des fonctionnaires, en particulier pour ceux dont le salaire est déjà limité face aux hausses de prix. Les agents publics, dont beaucoup assurent des services essentiels, se retrouvent aujourd’hui avec des salaires figés et peu adaptés au contexte économique actuel.
Le gouvernement devra, sous la pression syndicale, envisager de nouvelles mesures pour répondre aux besoins des agents publics et maintenir l’attractivité de la fonction publique dans les années à venir. Pour les syndicats, la priorité reste à une revalorisation immédiate de la rémunération des fonctionnaires, afin de compenser l’absence de la Gipa et d’ajuster les salaires à l’inflation.
La question du pouvoir d’achat reste donc ouverte et les négociations pourraient bien marquer les prochaines grandes orientations de la politique salariale publique.